Avec une trentaine d’œuvres inédites composées spécialement pour la Galerie Montmartre, Patrick Rubinstein met en scène son dictionnaire amoureux du Septième Art.
L’artiste nous fait revivre le souvenir intact de la salle de cinéma de son enfance, ce lieu chargé d’émotion au rituel immuable, qui nourrit une nostalgie : l’ouvreuse, la glace ou le pop-corn, les annonces de Médiavision, le court métrage, et enfin le film tant attendu.
Nous avons interrogé l’artiste sur sa passion pour le cinéma et la génèse de ce projet d’exposition. Une exclusivité Galerie Montmartre.
Eliott Doppia : Quel est le film qui vous a le plus marqué ?
Il y en a tellement, le choix est difficile et je pourrais en citer des dizaines. Mais comme choisir c’est renoncer, je vais choisir « Pulp fiction » ! C’est du très grand Tarantino : un casting XXL et une bande-son grandiose. Les histoires entremêlées sont plus loufoques les unes que les autres. Le récit est tellement fluide que les 2h30 s’écoulent brillamment vite. Tarantino nous place toujours dans des situations auxquelles on ne s’attend pas. Les dialogues sont drôles, décalés. Le scénario est un puzzle cartoonesque. C’est un film culte.
Eliott Doppia : En travaillant à cette exposition, quelle œuvre a représenté le plus grand défi technique et pourquoi ?
Probablement ‘Fight Club’. On voyage ici dans la démence du narrateur, dont on ne saura jamais le nom jusqu’à la fin du film. Le dédoublement de personnalité entre Edward Norton et Brad Pitt a été l’idée première pour concevoir le tableau car la technique du cinétisme se prête très bien pour illustrer la folie du personnage.
Il a fallu vraiment retravailler l’image comme des séquences en
la découpant en bande pour que la transition entre les deux visages fonctionne.
Eliott Doppia : Le cinéma a beaucoup emprunté aux maîtres des arts optiques. Quelle discipline vous a poussé vers l’autre ?
L’art et le cinéma ont une relation très fluide finalement. C’est difficile à dire, j’ai toujours été fasciné par l’image en mouvement donc par le cinéma et le cinétisme.
Eliott Doppia : Selon vous, quels artistes cinétiques ont le plus inspiré le cinéma ?
Je pense d’emblée à Clouzot avec son film inachevé « l’Enfer » qui m’a servi comme point de départ pour le tableau « Romy Baby ». Il s’est clairement inspiré de l’Op art et de Vasarely . La mise en scène de Clouzot est totalement en phase avec la création artistique de l’époque. Il utilise des effets stroboscopiques et des distorsions optiques, comme une traduction visuelle des états d’âme de
son personnage, rongé par la jalousie et incarné par Romy Schneider. Et puis il y a évidemment « Vertigo », le chefd’œuvre de Hitchcock. Le générique déroule une spirale étourdissante qui symbolise le vertige et le cauchemar du protagoniste, James Stewart. C’est d’ailleurs la première fois qu’on utilise le travelling compensé au cinéma qu’on appelle maintenant l’“effet Vertigo”.
Eliott Doppia : Si vous pouviez incarner l’un de ces personnages de film, qui seriez-vous ?
Ce serait Charlie Chaplin dans les Temps modernes. J’ai une vraie tendresse pour le héros, ce clochard céleste promu ouvrier d’usine ou il n’a évidemment pas sa place dans cet univers inhumain du travail à la chaîne. J’aime ce personnage aux réactions inattendues, souvent maladroit, astucieux pour sortir sans encombre du pétrin dans lequel il ne manque pas une occasion de se plonger…
Eliott Doppia : Comment est née cette idée d’exposition avec la Galerie Montmartre ?
J’ai vécu mon enfance dans une famille d’amoureux du cinéma. C’est un thème que j’ai toujours voulu aborder. J’ai beaucoup traité les icônes du cinéma qui ont marqué ma jeunesse : Charlie Chaplin, Marilyn Monroe, Audrey Hepburn. Alors quand la Galerie Montmartre m’a proposé l’idée d’une exposition thématique autour du cinéma, j’ai dit oui !
Eliott Doppia : « Exception », « le Musée Imaginaire », « Patrick Rubinstein fait son Cinéma »… chaque exposition à la GM prend le parti d’une nouvelle ligne. Est-ce l’audace, un goût du challenge qui vous lie ?
Ce sont les deux. La collaboration avec la Galerie Montmartre m’a permis d’aborder de nouveaux sujets et finalement c’est ça qui me passionne : repousser les limites, sortir de sa zone de confort pour explorer de nouveaux horizons.