« Mer apparue, veillée de jardins enfouis » : Luz Severino

2022

L’art des Caraïbes

L’art des Caraïbes, connu surtout grâce à Jean-Michel Basquiat, Wifredo Lam, Serge Hélénon, Hervé Télémaque ou JonOne, recèle bien des merveilles insuffisamment révélées. Il faut plus d’un voyage dans le paysage fragmenté des « îles du côté du vent » pour saisir l’extrême diversité culturelle héritée de l’histoire. Heureusement, la Fondation Clément pour l’art contemporain fait la part belle à la promotion des artistes des Amériques. L’artiste dominicaine Luz Severino est familière de ces lieux, où plusieurs expositions solo ou collectives lui ont été consacrées ces dernières années. Son travail s’inscrit dans et avec le paysage, comme art écologique sensible aux problématiques environnementales.

Luz Severino - Dentro del bosque
Luz Severino – Dentro del Bosque

Il faut dire que l’immense chapelet d’iles qui s’égrène en rangs serrés de la Floride aux côtes Vénézuéliennes, regorge de paysages verdoyants, qu’Edouard Glissant évoque si joliment : « Mer apparue, veillée de jardins enfouis ».

Rencontre à la Fondation Clément

Le climat tropical chaud et humide tempéré par les alizés, les reliefs et l’abondance de l’eau douce, ont favorisé l’épanouissement d’une végétation d’une incomparable richesse. Cette luxuriance vaut à la Dominique le surnom « d’île Nature », celui de « Jardin des Caraïbes » à la Jamaïque et à la Martinique l’appellation d’île aux fleurs. Sur cette l’île des Antilles françaises, flamboyants, palétuviers, fromagers, bougainvilliers, fougères géantes et bambous, alternent avec la mangrove et la savane sèche sur une surface minuscule (1128 km2), huit fois plus petite que celle de la Corse. Longer ses côtes en voilier permet déjà de deviner les contraintes qui menacent cette terre de contrastes. Balata, Céron, Bonneville ou l’Emeraude, sont les conservatoires de la diversité de la flore et de la faune endémique et des innombrables apports (Afrique, Madagascar, Inde, etc.) qui composent une biodiversité exceptionnelle mais fragile.

Classé en 2015 « jardin remarquable » pour son splendide parc érigé de sculptures monumentales, la fondation Clément est donc le lieu idéal pour exposer les Quatre Saisons de Luz Severino, un ensemble de tableaux associant peinture, couture, broderie et gravure.

Luz Severino crée une « éco-œuvre » 

Mais là où Vivaldi avait composé son opus comme « une confrontation entre l’harmonie et l’invention » magnifiant la nature à travers le chant des oiseaux, les aboiements et au rythme des travaux des champs, Luz Severino dénonce l’impact de l’humanité sur l’environnement. L’artiste compose une forêt tout en feuillage multicolore, vibrante de vitalité, symbole d’une nature qui « nous offre le mois de mai pour se faire pardonner février », afin d’alerter sur l’extrême vulnérabilité à laquelle l’expose l’activité humaine.

Luz Severino à la Fondation Clément
Luz Severino à la Fondation Clément

En 2019, j’avais entendu la Philharmonie de l’Elbe donner une version contemporaine du célèbre concerto renommé « For Seasons », pour « tenir compte du changement climatique et tenter de le rendre audible ». Les passages harmonieux deviennent disharmoniques, les lignes entre le printemps et l’été s’estompent et les notes représentant le chant des oiseaux sont complètement laissées de côté.

Luz Severino crée elle aussi une « éco-œuvre » avec ces formes circulaires constituées de multiples facettes translucides comme un vitrail, dessinent une canopée à la fois dense et aérienne, juchée sur des troncs filiformes. Elle propose la vision d’une forêt semblant tour à tour radieuse ou empreinte de quiétude, où de longs fils de couleurs patiemment tissés évoquent les cicatrices héritées de l’activité humaine.

Dans l’exposition, nous découvrons avec ces quatre toiles, un dispositif créatif tout à fait original. C’est une expérience à la fois corporelle et sensorielle – qui engage le regard vers un rythme perceptif proche de l’Op art ou de l’art cinétique – L’œuvre entière s’entremêle pour tisser des liens et communiquer ensemble comme une famille vivante.

Sophie Ravion D’Ingianni, Commissaire d’exposition

Ce séjour outre-mer fut pour Eliott et moi l’occasion d’inviter Luz Severino à exposer ses œuvres à la Galerie Montmartre.

Alex Doppia, Directeur

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PEINTRE, SCULPTEUSE, GRAVEUSE, INSTALLATIONS

Luz Severino

Luz trace et peint des structures verticales que l’on retrouve dans de nombreuses séries de ses œuvres ultérieures qui représentaient principalement des figures, voire des personnages. Ici, ces verticales ponctuent toute la surface des tableaux et engagent le regard vers un rythme perceptif proche de l’Op art ou de l’Art cinétique. Entourés de fils de couleurs, ces sortes de tiges et de troncs d’arbres se meuvent et oblitèrent l’arrière fond de la peinture qui le plus fréquemment représente des arbres touffus.

La Galerie Montmartre

ou sur rendez-vous